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Nice-Matin du 29 mars 1992
Extrait de l'article
Saint-Vallier: le trou normand...

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 L 'AVENTURE n'est pas forcément au bout du monde !. Entre Cabris et Saint-Vallier, sur un plateau de 'cailloux' et de chênes verts, encore délaissé par les bétonneurs, une famille de Normands a planté ses racines, très profondément, dans le sol .. et dans l'histoire de l'humanité  En d'autres temps, ils auraient sans doute mérite d'être parés d'un titre de noblesse. Normands certes.. mais désormais 'seigneurs' du Pays, on les aurait alors baptisés les "Reich-des-Audides-de-Saint-Vallier". Leur aventure est peu ordinaire. Leur oeuvre humaine... un petit chef-d'oeuvre d'explorateurs artisans, à graver dans une page d'Histoire, pour une posterité qui ne connaîtra, elle, que le prêt-à-porter, le prêt-à-cuire, le pré-fabriqué, et la démesure industrielle. Ici, pas de 'bull', ni d'engin d'excavation, aucune légion d'ouvriers bâtisseurs, aucune palissade traduisant le gigantisme d'un chantier... et encore moins d'argent, ni en tire-lire, ni en compte en banque. Du temps, seulement du temps, et beaucoup d'obstination, de sueur et de peine...
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Herbert Reich est originaire de Normandie Avec son épouse Jacqueline, ils immigrèrent, en 1974, au Canada. Au  terme d'un bref séjour, pas vraiment réussi, ils en revinrent à trois... avec leur fils Patrice, né Outre-Atlantique. C'était il y a 17 ans. A la recherche d'un climat plus tempéré, ce blond normand, plombier de formation, fit une halte à Antibes. Un petit héritage familial lui avait alors permis d'ambitionner le statut de propriétaire. Il partit en quête... Et d'illusions en désillusions, aterrit finalement entre Cabris et Saint-Vallier, au lieu-dit l'hubac des Audides. Là, sur un large banc de gros cailloux (plusieurs hectares), il accrocha son rêve à une petite bergerie à retaper. Sans eau et sans électricité !
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Un peu à la manière du Depardieu de 'Jean de Florette", avec la bosse en moins, Herbert Reich allait connaitre tous les aléas du célebre chercheur d'eau de Pagnol.. creusant des puits inutiles, sombrant dans le doute et la souffrance, avant de croire au magnétisme des sourciers et de tenter de manipuler lui-même la baguette ou le pendule. Il allait y consacrer tout son temps, tout son argent, sans réussir à capter cette eau tant convoitée, qui ruisselait pourtant dans les protondes veines du calcaire jurassique. Par contre, dans le même temps, il multipliait les découvertes d'intérêt géologique... et d'intérêt archéologique.  Entre les 'lapiaz" couverts de lichens et les multiples cavités plus ou moins naturelles (réseaux karstiques) émaillant son domaine, il mettait à jour plusieurs grottes et avens ayant abrité des êtres vivants (animaux et humains), en différentes époques du Paléolitique, du mésolithique et du néolithique.  Avec l'aide de spéléologues il découvrait notamment la " grotte du grand Dôme", et son énorme cavité capable d'accueillir la cathedrale de Paris ( sans la fléche, toutefois). Il mettait aussi la main sur des vestiges attestant d'une vie de chasseurs sédentaires...  Il y a vingt ou trente mille ans. Et là ne s'arrêta pas la decouverte.  A l'occasion d'un coup de pioche, pour étaler les fondations de sa bergerie en pleine rénovation, Herbert Reich reçut un grand souffle d'air frais chargé de poussière. . « comme un geyser». Il venait de mettre à jour l'entrée de la grotte des Audides, la plus grande, celle que l'on peut visiter aulourd'hui et qu'il a aménagée, depuis quatre ans (aux normes S0COTEC), jusqu'à la cote moins soixante...  Une grotte qui part verticalement dans les entrailles de la terre, avec son escorte de stalactites et de stalagmites, de concrétions aux formes multiples, aux couleurs rouge brique et jaune-miel, jusqu'à un petit lac (a moins 130 metres), que tente  réguliérement de franchir une équipe de spéléos en quête d'exploit.  En février 1990 la Direction des Antiquités S'est intéressée aux découvertes de ces impénitents chercheurs normands qui collectionnaient, sans bien le savoir, de minuscules vestiges de la vie préhistorique silex taillés (dont une pièce unique datant du Levaloisien), dents d'ours, ossements, fragments de poterie du néolithique.  Pourtant, un an après la reconnaissance officielle, rien n'est encore venu épauler cette entreprise familiale d'un caractère tout à fait exceptionnel.
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Pour survivre, et essayer de vivre sur le site, Herbert, Jacqueline et Patrice Reich ont eu l'idée d'exploiter commercialement l'aspect archéologique de leur découverte,  Avec le concours des spécialistes du laboratoire d'archéologie du Lazaret, à Nice, et tout particulièrement sur les conseils de Mme Annie Echassoux, les 'Normands de Saint-Valuer' se sont lancés dans la creation d'un musée de plein air.  Ils ont commencé à fabriquer des personnages en plâtre correspondant aux modèles répertoriés. Ils ont entrepris de reconstituer des scènes de la vie humaine et animale préhistorique, du paléolithique levaloisien (deux humains vêtus de peaux faisant face à un Ours), au néolithique supérieur (un couple sous abri, taillant du silex)... et tout cela en le répartissant sur ce site de l'Hubac des Audides, qui longe le CD 4, entre Cabris et Saint-Valuer.  ils le font avec des moyens dérisoires.., mais avec une foi capable de renverser des montagnes.,. et de percer les entrailles rocailleuses de ce bout de terrain.
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Jean-Jacques DEPAULIS.